Maman m’avait prévenu d’éviter les grandes villes. Cette phrase, Lmiara se la répèterait souvent dans les semaines à venir.
Issue d’une peuplade nomade, élevée comme chasseuse, elle décida de quitter les siens pour découvrir le monde. Vivant au jour le jour, elle louait ses services à des caravanes marchandes pour assurer sa pitance.
Faisant fi de ses habitudes, elle avait accepté sa dernière mission d’escorte vers le port de Cluèdre afin de pouvoir offrir un cadeau de mariage à sa sœur cadette. Le voyage vers la cité portuaire se déroula sans accroc, et les marchands lui payèrent leur dû sans rechigner.
Après avoir déambulée dans la ville à la recherche d’un présent, elle s’arrêta à l’auberge du perroquet sur le port. Elle n’avait jamais vu de perroquet et l’animal qui accueillait les clients l’amusait beaucoup. Fascinée par l’activité du port, elle repoussa son départ de quelques jours, afin de goûter cette vie inconnue.
Le soir qui scella son avenir avait commencé comme les précédents. Assise en terrasse, elle jouait avec Ulfric, le perroquet, discutant avec lui. Elle avait conscience que son comportement enfantin envers l’exotique animal amusait les autres clients et n’en avait cure.
Durant la soirée, un petit groupe de jeunes nobliaux éméchés envahit l’auberge. Grossiers et vulgaires, ils s’amusaient du peuple, profitant de leur rang pour libérer une table et malmener verbalement quiconque trouverait à y redire. Lorsqu’ils commencèrent à agresser la serveuse, Lmiara décida de s’interposer entre elle et ses agresseurs. D’autres clients la rejoignirent et avec le soutien de l’aubergiste réfugié derrière son bar finirent par obtenir leur départ.
Cet incident réveilla une colère ancienne en elle, et elle partit se promener le long des quais pour la dissiper. La vue des majestueux navires de ligne l’apaisa et fit naitre en elle des rêves d’aventures maritimes. Elle n’avait pas remarqué les ombres qui la suivaient depuis l’auberge et ne vit pas plus venir le coup terrible qui l’assomma.
La caresse d’une botte ferrée contre ses côtes la réveilla. Elle était allongée au côté d’un homme sur un ponton. Autour d’elle se pressaient quelques hommes de la maréchaussée et une troupe grandissante de badauds. Elle passa une main poisseuse dans ses cheveux, essayant de comprendre les mots vociférés par l’officier devant elle. Elle réalisa alors que la poix sur sa main était du sang et que son kryss n’ornait plus sa ceinture mais la poitrine de l’homme gisant à ses côtés.
Le verdict fut prononcé à l’instant où on l’introduisit devant le juge, ignorant son témoignage ou celui d’éventuel témoin. Elle fut condamnée à perpétuité.